L’Union européenne avait fait de 2021 l’« Année européenne du rail », avec comme image porteuse celle d’un secteur ferroviaire fer de lance de la transition écologique. Une réalité peu contestable dans la mesure où le ferroviaire représente moins de 0,5% des émissions de gaz à effet de serre liées au transport européen. Mais avant de se féliciter d’avance de l’avenir radieux et écologique du rail, constatons que le contexte n’est pas simple à appréhender.

Un sujet mondial

Si l’intérêt à terme semble évident, il est parfois complexe de passer la démultipliée. En France par exemple, on hésite toujours à maintenir les lignes non rentables desservant des territoires moins peuplés, on peine fortement à développer le ferroutage, on prend beaucoup de temps à évaluer l’impact potentiel de lignes transeuropéennes à grande vitesse (voir le cas du tunnel Lyon-Turin), on réintroduit avec des pincettes les trains de nuit…

Ajoutez à cela l’impact de la crise sanitaire sur le transport en général et le transport public en particulier, et l’arrivée de la concurrence dans le secteur, et une vision trop nationale pourrait nous rendre faussement sceptique sur les réels bénéfices rapides pour l’environnement. Pour se rassurer, il faut sans doute regarder à l’échelle planétaire.

À l’échelle mondiale, les infrastructures locales existantes, la demande de transport, tout comme les volontés et priorités politiques et les contraintes économiques varient très largement d’un pays à un autre. Ce qui se traduit par un ensemble varié de projets allant tous dans la direction d’une meilleure prise en compte de l’environnement. Voici donc un petit voyage en train à travers différents continents donnant quelques raisons d’être optimiste dans l’avenir « eco-friendly » du rail.

L’électrification des lignes

Que ce soit en Inde, en Russie ou dans une moindre mesure aux États-Unis par exemple, des travaux importants sont en cours pour électrifier la part importante du réseau qui ne l’est pas encore. Au vu de l’étendue de ces réseaux, c’est sans doute le changement principal qui va permettre de limiter l’usage du diesel et l’impact carbone.

L’impact est d’autant plus important qu’il ne se limite pas au transport sur les tronçons nouvellement électrifiés. C’est en particulier le cas pour le fret au départ d’un point de production isolé (mine, usine…) : le début du trajet se faisant au diesel, il était jusqu’ici rare que l’on change de mode de traction lorsque l’on rejoignait le réseau électrifié, pour des raisons de complexité ou d’optimisation d’usage des motrices. Le déploiement de l’électrique aura donc un impact fort sur le passage majoritaire du fret à l’électrique.

Les centrales solaires pour le courant de traction et la signalisation

Par ailleurs, l’impact environnemental du passage à l’électrique dépend bien entendu de la manière dont est produite cette électricité. Il y a là aussi de gros changements, et à l’occasion de l’électrification, on tend à privilégier des moyens de production locaux et « verts ».

La Russie et la Chine déploient en particulier des projets ambitieux de centrales solaires le long des axes ferroviaires. Avec des impacts qui peuvent largement dépasser les frontières. Par exemple, dans le cadre des grands travaux des routes de la soie, la Chine participe au développement de telles centrales dédiées au ferroviaire au Kenya ou dans d’autres pays africains.

L’Inde a lancé depuis 5 ans des trains dont le matériel roulant est directement équipé de panneaux solaires. Les résultats ont été si positifs que l’Inde a annoncé en septembre qu’elle envisageait à terme qu’un quart de ses trains soient propulsés au solaire.

De nombreux autres pays regardent vers le solaire, soit pour la puissance principale, soit pour l’énergie de back-up, en fonction en particulier des conditions d’ensoleillement locales. En effet, le stockage ou la fourniture d’énergie de secours n’est pas un sujet anodin au vu de l’impact économique d’une panne importante du réseau banlieue d’une grande cité par exemple.

Plus généralisé dans le monde, le déploiement de l’utilisation des énergies renouvelables pour tout ce qui est usage autre que la traction : signalisation le long des voies, gares, services aux voyageurs à bord… La signalisation auto-alimentée localement, tout comme la multiplication des points de production le long des voies, apportant aussi l’avantage d’éliminer les pertes liées au transport d’énergie.

Tenders-batteries et motrices à hydrogène

Autre variante de l’électrification, créer ou stocker l’énergie électrique de traction directement à bord, à l’instar de l’automobile.

En Allemagne, les trains à hydrogène transportent déjà des passagers dans le confort et le silence qui les caractérisent. Ce nouveau type de matériel va être déployé au Royaume-Uni l’année prochaine. On trouve le bénéfice évident de ne produire que de la vapeur d’eau. Une direction qui apporte le bénéfice additionnel que plus la demande en hydrogène sera forte, plus elle engendrera de pression et de rentabilité à développer des usines « vertes » pour produire celui-ci (en s’éloignant en particulier de la production à partir de gaz naturel).

Autre axe, embarquer directement des batteries dans le train. Avec certes le même souci que pour l’automobile lié à l’autonomie rapportée au poids et au volume des batteries, mais avec un contexte différent. Un train s’arrête naturellement aux gares, et il est peut être très simple et rapide de remplacer un wagon par un autre. D’où l’idée développée dans certains pays de gérer une flotte de tenders-batteries, à l’instar des tenders de charbon des anciennes machines à vapeur. Arrivé en gare, le train détacherait son wagon-batterie vide et en attacherait un plein. Et chaque gare aurait tout le temps pour recharger les tenders avec de l’énergie verte locale. Une solution d’autant plus viable que les trajets sont par essence programmés.

Bien entendu, le ferroviaire s’évertue aussi à appliquer au mieux les développements « classiques » des véhicules électriques, dont par exemple :

  • La recharge au freinage, ce qui peut représenter une énergie importante dans le cas par exemple des grands trains de marchandises en descente ou en arrivée en gare.
  • L’hybridation, qui permet de tirer parti d’une ligne partiellement électrifiée ou peut permettre de minimiser les rejets dans les zones plus peuplées lors de trajets mixtes banlieue/longue distance.

Éclairage LED et nouvelles consommations

Mais la production énergétique et son usage en traction ne sont pas le seul domaine où des gros projets liés à l’impact environnemental sont en cours. L’utilisation de composants et services moins énergivores est aussi de mise, que ce soit dans les trains, le long des voies ou dans les gares.

On pourrait citer un ensemble de mesures, depuis la modification des processus et outils de maintenance jusqu’à la dématérialisation des titres de transport, mais nous ne garderons qu’un exemple pour illustrer le potentiel impact additionné de tels progrès : la Russie et l’Inde estiment que le simple remplacement en cours de tous leurs systèmes d’éclairage (gares, trains, signalisation…) par des LED va leur faire économiser, à qualité d’éclairage égale, voire meilleure, 60% de l’énergie qui y était consacrée. Et on parle de beaucoup d’ampoules…

Monitoring environnemental et économique

Ce que l’on a pu noter lors des derniers salons internationaux entre acteurs du ferroviaire, c’est aussi un grand changement dans le focus lié à l’environnemental. Les acteurs se dotent d’outils de suivi, de supervision et d’évaluation des impacts. Et pas uniquement à but de « bonne communication sur les bonnes pratiques ».

En particulier, on met en place des outils de supervision économique spécifiques au ferroviaire capables de tracer le « cost of ownership » des investissements prenant en compte le coût environnemental immédiat et à terme. On trouve ainsi une réelle capacité à évaluer les bénéfices des véhicules électriques (maintenance, pollution, impact du prix du diesel…) face à leur ticket d’entrée (batteries, infrastructure de recharge…). Ces outils peuvent, en éliminant les réticences et poussant les bonnes décisions, s’avérer de réels accélérateurs des projets en cours. Surtout si le prix du diesel augmente…

La nouvelle génération des trains à grande vitesse

Certes, que ce soit l’hyperloop américain ou le maglev chinois et ses 600kmh, on peut débattre de l’impact environnemental de la création de nouveaux tunnels ou de nouvelles lignes spécialisées. Mais si l’on se veut optimiste, il faut reconnaitre que dans ces projets, on est de fait dans une certaine optimisation de l‘efficacité énergétique.

Les principaux projets phares reposent en effet majoritairement sur la réduction des frottements (et incidemment du réchauffement) et de la consommation via la lévitation électromagnétique ou ses variantes.

Changer les habitudes

Toutes ces évolutions technologiques ne sont qu’une partie du gain environnemental attendu du développement du ferroviaire. Une part non négligeable consiste à inciter les voyageurs à changer leurs usages. Deux exemples de comportements à développer parmi d’autres :

  • Les trains de nuit, qui ne sont pas soumis à des contraintes fortes d’horaires ou de parcours et évoluent par définition dans des créneaux loin des pics journaliers de demande d’énergie.
  • L’usage de train pour les trajets de courte distance, associé à une intermodalité renforcée avec les modes de transport doux.

De nombreux pays, dont la France et Royaume-Uni par exemple, regardent à optimiser l’accès à géolocalisation des trains, mais aussi à celle des moyens de transport disponibles à l’arrivée du train. Ceci permet de garantir réservation et/ou disponibilité du transport rapide jusqu’au point d’arrivée. On peut aussi imaginer une modification des rames pour accueillir plus aisément trottinettes et vélos pliables par exemple.

C’est donc un changement important et multi-facettes qui touche le ferroviaire mondial en vue d’un meilleur impact environnemental. Et qui se décline aussi en France où, comme le rappelle la SNCF, « le TGV pollue 50 fois moins que la voiture, et 80 fois moins que l’avion ».