La démocratisation du télétravail en 2020 a grandement contribué à développer l’usage des outils de travail collaboratif. Elle a, entre autres, accéléré la transformation digitale, poussé le développement des « apps » mobiles, étendu le e-commerce, et enfin, généralisé les outils collaboratifs. Près d’un an plus tard, quels constats pouvons-nous aujourd’hui commencer à en tirer ?

Le télétravail a boosté les outils collaboratifs

Le premier constat est qu’il devient de plus en plus complexe de classifier nos outils dans de grandes familles techniques séparées. En effet, l’accélération du télétravail a bousculé les outils existants, les poussant à répondre à l’ensemble des besoins existants : voix, vidéo, partage d’écrans et de documents, enregistrement, application smartphone, accès sécurisé, support des formats courants, etc.

Le second constat, à l’instar de notre usage des réseaux sociaux, est que même si chacun des outils collaboratifs utilisés est capable de gérer l’ensemble de notre activité collaborative, la grande majorité d’entre nous en utilise pourtant plusieurs. Un point qui pourrait sembler curieux, alors que les GAFAM, et autres, s’évertuent grandement à nous faire rester au sein de leur écosystème. Historiquement, la raison de ce multi-usage pouvait en être la séparation de nos activités professionnelles et personnelles ou encore la « présence » de nos interlocuteurs uniquement sur certains outils. Face à l’évolution de ces derniers, au travers de l’extension des communautés d’utilisateurs et de la protection de nos conversations, ces arguments ne tiennent désormais plus. Ce multi-usage tient donc plus à des modifications comportementales liées à la démultiplication de nos outils digitaux. Nous tendons à devenir des êtres hyperconnectés, avec l’envie mais aussi une forme de nécessité d’être « présent partout ».

De quels outils collaboratifs parlons-nous ?

L’évolution de la langue est toujours un bon reflet de l’évolution des usages. Il y a dix ans, le terme « outil collaboratif » s’appliquait essentiellement aux outils de partage de documents, portails d’entreprise comme Sharepoint ou encore aux réseaux sociaux d’entreprise avec Yammer. Avec les bases de données, ERP, CRM et outils de GED, ils constituaient 99% de ce qu’on pouvait appeler l’infrastructure IT à accès partagé. De fait, ces outils se caractérisaient par un accès asynchrone, chacun à son tour, aux données. Pour ce qui était du conversationnel, ou accès synchrone, on parlait plutôt de messagerie, videoconferencing, voix sur IP, etc.

Aujourd’hui, le terme couvre un domaine bien plus large allant du Google doc, en accès partagé sur le Cloud, à un appel Whatsapps. Face à l’impossibilité d’en faire une liste exhaustive ou sélective sur des critères précis, nous pouvons simplement citer les plus couramment utilisés dans le cadre du télétravail.

Nous retrouvons tout d’abord les outils des grands acteurs et leurs variantes Opensource : Google Docs/Drive, Hangouts, Messenger, Office 365/OneDrive, Skype, Teams, etc. Leur usage est souvent imposé par l’entreprise, en particulier pour bénéficier d’une intégration préalable avec les outils bureautiques ou applications métiers, ou pour des raisons de cohérence d’infrastructure, de maintenance ou de fournisseur. En parallèle, un certain nombre de réseaux sociaux « classiques » sont désormais largement utilisés en télétravail : Workplace from Facebook, LinkedIn, Tumblr, Twitter, WeChat, etc.

Notons cependant que ne sont pas concernés les réseaux sociaux plus spécialisés dans le simple partage de contenu, tels que Pinterest, Reddit, Snapchat ou Youtube, qui sont moins à même d’offrir les services collaboratifs attendus. Même si la présence sur Instagram ou Tik Tok peut intéresser le branding de l’entreprise, ces outils n’ont pas vocation à être utilisés pour l’activité professionnelle interne.

Pour autant, les principaux bénéficiaires du télétravail sont les outils qui ont su rapidement développer un usage professionnel, qu’ils n’avaient pas à l’origine. Ces sont les outils orientés « conversationnel » possédant une offre multiservices. On retrouve parmi eux des services issus de la messagerie (Mattermost, Slack…), des salons vocaux (Discord, Steam, …) ou de la visioconférence (Jitsi, Zoom…).

L’impact a été moins grand sur les outils orientés « documents partagés ». Bien que leur usage se soit multiplié, leurs évolutions sont restées centrées sur les fonctionnalités spécifiques au document attendu (présentation, vidéo, base de données, code informatique, site web…). La gestion des droits d’accès et la synchronisation des équipements y restent souvent les seules prises en compte de la distanciation des participants. Si les drives, Git et autres Sharepoint existaient déjà, nous avons également vu se développer l’usage des Asana ou Trello dans la gestion de projet.

Nouveaux usages

Le télétravail ne nous a pas seulement imposé de nouveaux outils, il nous a fait développer de nouveaux usages associés.

Réussir une présentation, une formation ou une vente en télétravail, quel que soit le côté de la table virtuelle où l’on se trouve, nécessite un savoir-faire particulier, parfois spécifique à l’outil collaboratif de support de la réunion. Si l’on se rappelle par exemple que la gestuelle participe énormément au message véhiculé, nous notons encore une belle marge de progression pour nos outils collaboratifs.

De même, on sait l’importance des conversations informelles sur le lieu de travail, qui sont parfois vitales au bon fonctionnement d’une entreprise. Pour pallier ce besoin, certains outils conversationnels sont donc aussi utilisés, à l’image d’Houseparty, pour recréer les pauses entre collègues.

Le télétravail crée de fortes vulnérabilités pour l’entreprise, comme pour le collaborateur. Les données et applications sont exposées sur l’Internet, l’accès au domicile peut être moins sécurisé, l’identité de l’interlocuteur est falsifiable, etc. De fait, les hackers profitant de la situation, les cyberattaques ont explosé durant le confinement. Il a donc fallu développer des réflexes, comportements et outils de cybersécurité renforcés. Lesquels ont parfois amené à privilégier ou interdire certains outils collaboratifs.

Quels outils collaboratifs se pérenniseront ?

Quel que soit le monde d’après, il restera quelque chose de la démocratisation du télétravail. Et il y a de fortes chances que nos habitudes d’usage des outils collaboratifs perdurent. L’investissement financier et humain pour l’utilisation de ces outils nous rend désireux de bien choisir un outil qui saura durer dans le temps. Toutefois, rien n’est moins simple.

D’une part, bien qu’il s’agisse clairement d’outils de télécommunications et que leur usage en télétravail pourrait s’apparenter à un service essentiel, les états ont, à ce jour, été peu interventionnistes en termes de régulation ou d’imposition de normes d’usage ou d’obligations d’interconnexion, comme c’est le cas pour les réseaux 5G par exemple.

Par ailleurs, leur valeur perçue est d’avantage celle du réseau, au sens du nombre potentiel d’interlocuteurs joignables, que celle liée au nombre de services proposés. Or, on constate que les outils de « réseau », par exemple les réseaux sociaux, quand ils ont atteint un seuil critique « d’abonnés », ont une résilience nettement supérieure aux outils de « services individuels » face à la concurrence de nouvelles offres. Ainsi les Instagram, Twitter, TikTok et autres n’ont pas affaibli Facebook aussi rapidement que Google a supplanté Alta Vista ou Yahoo. Pour la même raison l’Internet et l’email ont eu raison plus vite du Minitel que du Fax. On peut donc estimer que, malgré leur nombre, la plupart des outils cités dans cet article pourrait mettre du temps à être remplacés.

Sauf accident financier ou de cybersécurité, le principal vecteur de consolidation du secteur pourrait être la problématique de « content management » ou de gestion documentaire des entreprises. Aujourd’hui, l’historique des conversations ou versions de documents se trouve ventilé entre de multiples outils. Cela peut poser un risque de productivité ou même juridique et il est probable que les entreprises mettent en place des politiques de plus en plus restrictives et directives en matière d’outils collaboratifs. Pour autant qu’elles puissent l’imposer à leur écosystème (partenaires, clients, fournisseurs…).