Savez-vous qu’en ce moment même, près d’un million de débris spatiaux d’une taille supérieure au centimètre orbitent notre planète ? Jusqu’en 2009, année de la première collision entre des débris spatiaux, les spécialistes considéraient que la probabilité de collision dans l’immensité de l’espace était si faible qu’elle ne nécessitait pas de s’y intéresser.

De la fin de la guerre froide jusqu’au début des années 2000, les agences spatiales intégraient, dans leur cycle de vie, la destruction des lanceurs et satellites, en forçant leur retour dans l’atmosphère pour se désintégrer. Le déploiement de programmes plus ambitieux pour nettoyer l’espace se heurtait à la réticence des militaires à multiplier les activités civiles dans l’espace, alors considéré uniquement comme intérêt stratégique. Ajoutez à cela la perception politique que le retour sur investissement d’un programme de nettoyage du ciel, au vu de son coût estimé, était considéré comme inexistant pour comprendre le manque de ressources autour de cette problématique.

Tout a changé au cours des 15 dernières années. Plusieurs programmes tentent actuellement d’apporter une amélioration significative face à la « pollution » de l’orbite terrestre. Ce nouvel élan prend sa source autour de trois facteurs : l’innovation technologique, le flux de nouveaux satellites lancés et le premier crash dont a été victime un satellite en fonctionnement.

Poussées par les collaborations et la concurrence, les technologies spatiales ont connu de réels bonds en avant au cours des deux dernières décennies. La montée en puissance de la Chine, l’arrivée de nouveaux acteurs nationaux ou privés, et l’émergence de projets comme le tourisme spatial ou les missions martiennes, ont relancé le financement et l’innovation du secteur. Les progrès en miniaturisation, résistance des matériaux, géolocalisation etc. ont apportés non seulement des gains de coûts importants et une réduction des risques de défaillance, mais également de nouvelles précisions dans le repérage des débris et de leur trajectoire. S’additionnent à cela les développements en matière d’informatique, de Big Data ou d’IA qui ont démultiplié le périmètre des tâches que l’on peut demander à un robot spatial de plus en plus autonome.

La multiplication des lancements satellites a été rendue possible par l’effet cumulé de leur miniaturisation jusqu’au niveau du nanosatellite, de leur baisse de coût, de la multiplication des offres compétitives de lanceurs, et de la capacité technique de gérer du sol des constellations de satellites. Cette offre a rencontré une demande soutenue de besoins en télécommunication, géolocalisation, surveillance militaire, etc. Là où le GPS ou Galileo étaient des programmes d’une vingtaine de satellites chacun, les projets de couverture mondiale Internet à haut débit OneWeb, Kuiper (Amazon) ou Starlink (SpaceX) en comptent entre 650 et 12.000.

Une vraie prise de conscience ? La première collision impliquant un satellite en fonctionnement a eu lieu en 2009, lorsque le satellite américain Iridium33 a percuté l’épave inerte du satellite militaire russe Kosmos2251. Au-delà de la destruction d’Iridium33, la collision a créé plus de 2.000 fragments, devenant eux-mêmes de potentielles sources de collisions. Cet incident a permis une prise de conscience sur les risques engendrés par la pollution de l’espace.

Eviter une collision reste très coûteux :  cela demande au véhicule spatial de se détourner de son orbite, puis d’y revenir afin de reprendre sa mission. Plus il y aura de trafic de débris, plus vite arrivera le moment où l’on devra utiliser le restant de carburant pour assurer la destruction du véhicule. La mission est donc doublement pénalisée par : sa durée globale réduite et ses interruptions nombreuses.

Pour pallier aux intérêts militaires s’opposant à la création de couloirs spatiaux imposés, d’ambitieux programmes de nettoyage de l’espace ont été lancés. Tous s’accordent sur le principe de forcer les débris à retomber et à se consumer en entrant dans l’atmosphère. On ambitionne également de modifier l’orbite d’un débris par exemple en tirant dessus au laser ou en envoyant vers lui une voile solaire inerte qui le heurterait sans créer de nouveaux débris, mais ce type de technologies n’en est à ce jour qu’au stade de concept.

Cela nécessite un véhicule capable de s’approcher du débris sans le percuter. La suite est une succession d’étapes risquées : pousser le débris dans la bonne direction ou l’attraper sans dégât. Cette dernière option nécessite de s’en approcher avec précaution et précision, de prendre en compte la forme spécifique du débris ainsi que sa rotation sur lui-même. Ainsi, de nombreuses options sont actuellement testées : des pinces au bout de bras articulés, en lançant un harpon ou en déployant différents types de filets.

Une fois le débris attrapé, le satellite collecteur devra soit, le relancer précisément dans la bonne direction, soit, le remorquer vers des couches plus basses. Une fois la bonne altitude atteinte, le véhicule remorqueur pourra, soit, laisser tomber le débris, soit, se détruire avec eux en rentrant.

Parmi les essais en prototypes récents ou à venir, on peut mentionner :

  • En Janvier 2017, Kounotori 6, après s’être arrimé à l’ISS, tente une expérience de déploiement d’une sorte de filet long de 700 mètres. Malheureusement, l’expérience semble un échec.
  • En février 2019, le satellite RemoveDebris teste en orbite le harponnage d’un nano-satellite de 40kg dans le cadre d’un projet de l’ESA. La mission est réussie mais dans des conditions très favorables.
  • ClearSpace-1, autre projet de l’ESA et de la société Clearspace, basé sur une capture par bras préhensibles, qui devrait décoller en 2025. Avec un objectif réel : détruire un morceau de lanceur de deux mètres de large qui orbite dangereusement.

Nul doute que ces technologies sont encore à leurs prémices et que nous assisterons dans les prochaines années à des méthodes de plus en plus audacieuses et perfectionnées. Aux vues des travaux préalables, il est maintenant possible d’être optimiste quant à une future dépollution de notre ciel !