Responsabilité sur l’avenir

Est-ce un signe ? Vivatech 2021 s’est ouvert le jour où des milliers de jeunes français planchaient sur l’épreuve de philosophie du Baccalauréat. Et en sortant du grand showroom français de l’innovation technologique, on pouvait effectivement se demander si le millésime 2021 n’avait pas une légère connotation philosophique.

Certes, d’un point de vue purement technologique, on y a retrouvé son lot de nouveautés plus ou moins spectaculaires. Mais les sujets concernés, réalité virtuelle, taxis volants, robots androïdes ou intelligence artificielle qui en sait plus que nous, ne sont plus des surprises. Si la pandémie n’a pas ralenti l’innovation, ce qui frappe cette année plus que les nouvelles idées, c’est que l’innovation s’affiche avec un discours plus humain.

Le neuf est désormais moins là pour nous faire aller plus vite ou plus loin ou gagner plus d’argent, que pour nous permettre d’assurer notre avenir. Le « sustainable » est devenu un critère au moins aussi déterminant pour les projets technologiques que la qualité, la sécurité, la performance ou le profit.

Si vous n’avez pas eu l’opportunité de jeter un œil sur les multiples projets de la promotion 2021, voici quelques exemples assez représentatifs de cette tendance générale.

Le véhicule humain

La mobilité humaine restant l’un des sujets clés, c’est un bon révélateur de tendance. En 2021, l’accent est moins mis sur les progrès en matière de sécurité ou d’autonomie de la voiture ou du taxi volant électrique que sur les services personnels potentiellement apportés et l’impact environnemental associé. On vise l’efficacité énergétique du véhicule, la réduction de ses émissions et le passage à l’hydrogène. Mais surtout, on travaille sur la modularité pour répondre à des besoins quotidiens :

  • drones individuels permettant juste de déplacer une personne à son lieu de travail ;
  • « pods-véhicules autonomes » permettant de rassembler en un seul « train » et à moindre coût environnemental les voitures individuelles allant dans une même direction ;
  • voiture-hélicoptère ou bateau-hélicoptère passant en mode vol uniquement lorsque cela est vraiment nécessaire ;
  • drones intelligents permettant de déplacer des objets sans imposer le déplacement ou la surveillance d’un pilote. Mention spéciale pour le food truck autonome, ou comment avoir sa pizza chaude sans qu’un livreur ne risque sa vie dans les rues de Paris. Que l’on parle de la livraison en urgence de médicaments aux hôpitaux ou de vêtements ou nourriture à un alpiniste en difficulté, c’est désormais l’humain qui est moteur dans la communication autour de l’innovation ;
  • robots divers capables d’intervenir là où l’homme ne le peut pas. Là aussi, alors même que des robots sont allés réaliser pour nous le premier vol sur Mars, ceux de Vivatech leur volent la vedette en allant secourir des blessés sous des décombres ou réparer une fuite de gaz toxique en milieu hostile. L’impact humain prime clairement sur la prouesse technique.

L’innovation pour l’homme

Si l’on s’écarte du monde des véhicules, on retrouve ce besoin de sens humain dans d’autres innovations phares présentées cette année :

  • comment produire des plantes très variées chez soi en appartement, sans s’en occuper vraiment, afin de permettre à chacun d’être acteur de la sauvegarde de la biodiversité, même si vous n’avez ni le temps, ni le jardin. Le tout dans un meuble qui va embellir votre salon. Et si vous avez un jardin ? Voici la serre dynamique intelligente, qui fournit aux plantes cultivées l’ombre exacte dont elles ont besoin en fonction de la météo, tout en transformant en électricité la lumière qu’elle a filtrée. Plus rien ne se perd ;
  • une cabine d’autotest médical qui vous permet de faire le tour de votre condition et de vous conseiller sur comment l’améliorer en s’affranchissant des complexités, timidités ou inquiétudes de vos rencontres avec le corps médical ;
  • une chaise électrique totalement pliable ou un casque de réalité virtuelle en prise directe avec le cerveau pour changer la vie des personnes handicapées.

Le « sustainable » plus que le « tape-à-l’œil »

Dans l’oxymore « développement durable », le « durable » l’emporte donc désormais sur le « développement ». Vivatech parle désormais plus de consommation énergétique, de pollution, d’obsolescence ou de recyclage que de quantique ou de crypto-monnaie. La consommation comme moteur de l’innovation est donc bien moins sexy qu’elle n’a été.

Pour preuve, deux projets innovants ont eu beaucoup de succès dans les allées de la Porte de Versailles : le bateau-usine chargé de récupérer le plastique à la surface des océans et l’usine-mobile capable de transformer ce même plastique usagé en électricité.

Si ces dernières années, Vivatech se passionnait pour tout ce qu’on pourrait faire partout avec les objets connectés, la part « humaine » de la communication associée était souvent limitée aux risques liés à la télésurveillance ou à la cybercriminalité. Aujourd’hui, l’une des innovations présentées est la possibilité d’énergiser les cartes électroniques et capteurs avec des enzymes pour éviter de multiplier les batteries et leurs déchets. Historiquement, on a un jour déterminé que votre montre-poignet remuait suffisamment dans la journée pour se remonter mécaniquement sans avoir à y penser. Appliqué au smartphone, votre corps produit sans doute assez d’enzymes pour le recharger sans avoir à rechercher de l’électricité ailleurs.

« Non pas parce que c’est simple »

Ce focus sur l’humain, depuis les services individuels jusqu’au « durable » semble être plus qu’un effet de mode. Avec la génération des Milleniums, la prise en compte de l’humain et de notre futur est devenue une « obligation acceptée », car le bénéfice n’en est plus discutable. Un peu comme la ceinture de sécurité en son temps.

Or, cette « obligation acceptée » est un excellent moteur de l’innovation. Une ambition forte crée la rapidité technologique. Les américains sont allés sur la Lune non pas parce que c’était simple, mais parce qu’il fallait y être avant les autres. « L’innovation humaine durable va progresser très vite, même si elle est difficile, parce qu’on n’a plus vraiment le choix », semble nous dire Vivatech.

Un nouvel optimisme

Synthétiser en quelques paragraphes l’ensemble des leçons de Vivatech est sans doute illusoire mais il faut certainement retenir que cette cuvée 2021, bien contrainte par la pandémie et les craintes liées à l’environnement et la surconsommation énergétique, a été marquée par un réel optimisme.

Pour nous accompagner cette année dans nos différents projets technologiques, retenons trois idées qui sont revenues dans de nombreux « talks » de cette édition :

  • Il faut donner un sens humain à toute innovation, et si donner un sens humain au software semble difficile, c’est justement cela qui va nous pousser à le trouver.
  • Il faut passer du « c’est merveilleux ce que l’on va faire technologiquement » au « c’est vraiment bien pour l’homme ce que l’on va faire ».
  • Une innovation n’a de sens que si elle rend meilleur l’avenir que nos arrière-petits-enfants nous ont temporairement prêté.