L’agriculture n’est pas forcément le premier sujet auquel on pense quand on s’intéresse à la transformation ou à l’innovation digitale.

C’est pourtant un domaine où les start-ups foisonnent et qui est soumis à de nombreux bouleversements forçant les mutations rapides : réchauffement climatique, accroissement de la population, réduction de la déforestation ou des pesticides, transition écologique, alimentation durable, agriculture biologique, fermes du futurs, bien-être animal, crise géopolitique européenne, farines animales, perte de la biodiversité et impact sur la pollinisation ou sur certaines chaines alimentaires, etc.

Depuis quelques années certains agriculteurs ne se lèvent plus au chant du coq pour traire les vaches, mais pour suivre au jour le jour les cours du blé en Ukraine ou en Russie et décider à quel moment précis il convient de vendre le contenu des silos. Ces temps-ci, ils se reposent sur des systèmes encore plus évolués d’intelligence artificielle pour prendre les meilleures décisions en fonction des événements récents.

Si la robotique est un élément clé naturel de l’Agritech, le secteur « primaire » étant initialement essentiellement manuel, la data s’est invitée comme relais de croissance (ou le cas échéant de survie).

L’agro-big-data est abreuvée par des images satellites ou de drones, des modèles météo, des capteurs autonomes, des cours de marché, des niveaux de stocks, et tout un ensemble de nouvelles données réglementaires (traçabilité, label bas carbone, contenu des adjuvants de la nourriture industrielle, valeurs nutritionnelles…).

Pour se donner une idée, forcément très limitée, de cette révolution digitale agroalimentaire, voici quelques exemples issus de quelques remises de prix ou salons récents.

Outil de diagnostic climatique

Le lauréat de la 4e édition du concours ITAINNOV 2022, organisé par les instituts techniques agricoles et les instituts techniques agro-industriels en mars 2022, est un outil numérique de diagnostic sylvo-climatique. Il apporte au forestier une aide à la décision à l’échelle de la parcelle forestière pour gérer les peuplements sur pied ou choisir les essences à planter en prenant en compte le changement climatique. Sa plus-value est la capacité à prendre en compte les variations météorologiques et extrêmes locaux et ne pas seulement travailler sur des moyennes.

Robot laser de traitement des mauvaises herbes

Ce mois-ci, sera remis le prix PIA2022 de l’état de Fribourg. Parmi les finalistes se trouve un robot de terrain léger et autonome qui traite au laser les mauvaises herbes présentes dans les cultures en ligne. Complément au binage mécanique, ce robot permet de réduire substantiellement le désherbage manuel, réduit l’utilisation de machines lourdes et donc du compactage du sol, peut intervenir sur terrain mouillé du fait de son faible poids, et permet surtout d’envisager un abandon complet des herbicides.

Robot agricole autonome vigneron

En mars s’est clôturé le SIA2022, le Salon de l’Agriculture de Paris. Parmi les nombreuses innovations technologiques, retenons un robot autonome permettant d’entretenir les rangs et inter-rangs des vignes. Ne nécessitant aucune présence humaine, il permet de remplacer pour le vigneron une journée de conduite par juste deux heures de programmation/suivi, tout en divisant par 4 la consommation de gasoil.

Applications Web et mobiles

Du fait de la couverture mobile désormais très étendue, et du déploiement de la 5G, on a aussi découvert au SIA2022 tout un ensemble d’applications mobiles destinées à télé-gérer son exploitation sans avoir à se déplacer. L’un des exemples est le suivi du bétail ou des volailles à base de caméras et capteurs disséminés sur la zone d’élevage. La reconnaissance d’image permet de déterminer par exemple le poids des animaux ou de détecter une maladie, et l’intelligence artificielle d’assurer le bien-être animal ou de prédire les dates d’abattage.

Cloud, blockchain et autres technologies web sont à la base de tout un jeu de nouveaux outils qui se déploient rapidement :

  • de traçabilité ;
  • de suivi des émissions de gaz à effets de serre afin d’assurer la neutralité carbone promise d’ici 2050 ;
  • de mise en place des circuits-courts, en couvrant commercialisation grand public, logistique d’approvisionnement et communication efficace entre intervenants.

Et plus…

La prise de conscience du risque lié à la disponibilité de la ressource a repositionné l’agriculture comme cible critique de l’innovation. Parmi les autres exemples de prix récents on a pu aussi voir :

  • des équipements émettant des flashs ultra-violets sur les plants, réduisant ainsi les besoins en fongicides en stimulant les défenses naturelles 
  • des serres ou cultures hors-sol automatisées ou autonomes s’appuyant sur des systèmes à récupération d’énergie 
  • tout un ensemble de projets technologiques liés au traitement des rejets et déchets, en particulier pour limiter les nitrates, algues vertes, émissions de méthane ou de carbone… 
  • le développement des jumeaux numériques dans l’industrie agro-alimentaire…

La bataille n’est pas pour autant gagnée

Pas sûr pour autant que tout ce foisonnement d’innovation soit suffisant pour adresser tous les enjeux que rencontre le secteur. L’actualité géopolitique ou sanitaire nous a rappelé à quel point l’agriculture, bien que par essence « vitale », est loin d’être un sujet réglé.

Parmi les domaines encore assez absents dans les derniers développements est celui de la pêche et en particulier de la lutte contre le réchauffement des océans, leur pollution, et la surpêche. C’est sans doute dans ce domaine que l’on attend toujours LA grande idée.