Le temps file. Les trois lois de la robotique formulées par Campbell et Asimov sont déjà largement octogénaires. A l’heure de la cobotique, on est tenté d’en ajouter une quatrième : « un robot se doit de faciliter les tâches des êtres humains, dans la mesure où cette aide n’entre pas en contradiction avec au moins l’une des trois premières lois ».

La robotique à taille humaine

Certes, les robots industriels, comme il en existe de nombreux dans l’industrie automobile par exemple, font déjà partie de notre quotidien depuis les années 60. Mais ils sont encore de nos jours synonymes d’engins lourds et volumineux, donc potentiellement dangereux, ce qui les conduit à être isolés des êtres humains. Ils sont par ailleurs cantonnés aux mono-tâches « simples », dans le but d’affranchir les employés de ces tâches fatigantes, dangereuses et répétitives. Pour autant, leur programmation et mise au point reste très complexe. L’ensemble en faisant une technologie couteuse réservée souvent à une production de masse de produits de grande valeur.

La transformation digitale, qui a donné naissance à l’industrie 4.0, a balayé cette image, en s’appuyant sur de nombreuses technologies innovantes, allant de l’intelligence artificielle aux objets connectés industriels. Parmi ces « technologies d’automatisation avancées » se trouve le développement des robots collaboratifs (cobots).

S’il tient son nom de la promesse de « collaboration » entre l’homme et la machine, nécessaire en ces temps où l’employé peut voir le robot comme un risque pour son emploi, le cobot n’en reste pas moins avant tout un robot « plus petit ». Mais il ne faudrait pas s’y tromper : les progrès de la miniaturisation, de la mécatronique, de l’intelligence artificielle et du edge computing sont à la base du « small is beautiful ». Plus petit ne sous-entend pas moins efficace, bien au contraire.

Premier constat : un « petit » cobot bénéficiant de fonctions de sécurité avancées peut partager l’espace avec les travailleurs humains sans représenter un danger significatif, ce qui rend son installation envisageable dans les espaces limités.

Dès lors le process de fabrication peut aisément inclure de nombreux aller-retours entre humain et robot, permettant une dichotomie plus précise des tâches et une meilleure répartition entre le répétitif confié au robot d’une part et le plus complexe, le dépannage et/ou la résolution de problèmes qui restent réalisés par l’humain.

Cette répartition est d’autant plus efficace qu’elle peut être revue et améliorée facilement car, là où toute modification des tâches d’un robot nécessitait l’intervention d’un expert, les cobots sont souvent enseignés ou corrigés par l’exemple. Le cobot apprend par mimétisme et déroule une mémoire parfaite pour reproduire et exécuter à volonté ce qu’il a « vu ».

Les principales qualités du robocollègue

Cette conception initiale agile du cobot, basée sur l’apprentissage et surtout sur le réapprentissage à la volée, le rend plus apte à aider les humains dans l’industrie 4.0.

Souplesse

Il est coûteux et difficile de déplacer un gros robot industriel traditionnel attaché par exemple à une chaine de montage. Ceci limite les évolutions de la chaine, la réutilisabilité ou la modification du robot, sa facilité de maintenance, etc. Les cobots plus petits sont plus facilement relocalisables ou réaffectables à de nouvelles tâches. Certains cobots sont même conçus dès l’origine pour être aisément mobiles.

Plus légers, et faisant des mouvements moins amples, les cobots pourraient être aussi naturellement plus rapides. Mais sur ce point, le bénéfice est loin d’être toujours réalisé. La simplicité du programme unique du robot traditionnel lui conserve – encore pour quelque temps – un certain avantage.

Polyvalence

Leur facilité d’apprentissage permet au cobot de pouvoir plus facilement réaliser plusieurs tâches, ou même de réaliser temporairement des tâches supplémentaires (par exemple en remplacement d’un employé humain absent).

La possibilité de modifier les tâches demandées à un cobot en quelques minutes seulement permet aussi de lui faire faire un travail d’appoint différent pendant une interruption temporaire ou une diminution de cadence de la chaine où il est affecté préférentiellement.

Coût moindre et usage étendu

La facilité de programmation et d’installation physique, alliée à un coût moindre par rapport aux robots traditionnels, donne accès aux cobots à des installations de fabrication modestes. D’autant plus que la formation des collaborateurs à leur utilisation peut être réalisée en quelques semaines.

Impact sur le travail humain

Si les cobots ne remplaceront sans doute pas les robots traditionnels pour les projets de fabrication à grande échelle qui nécessitent vitesse et puissance, ils présentent l’avantage de prendre en charge plus de micro-tâches manuelles et répétitives qui, autrement, exposeraient les humains à des risques de santé. Ils permettent également de valoriser le travail humain, et la motivation associée, en le reconcentrant sur les tâches les plus créatives et épanouissantes.

Pour quoi faire ?

Avec tous ces avantages qui les distinguent des robots industriels traditionnels, les cobots n’en restent pas naturellement meilleurs pour certaines applications. Les exemples classiquement cités dans le secteur manufacturier sont :

  • La manutention au sens large : repérage et saisie d’une pièce en stock, tri, emballage et palettisation. Ils peuvent en particulier manipuler des matières dangereuses en toute sécurité.
  • Le vissage ou le soudage : les cobots peuvent effectuer ces tâches 24 heures sur 24 à vitesse constante en faisant peu ou pas d’erreurs.
  • Le déplacement de matériel : les cobots mobiles peuvent transporter des matériaux via un itinéraire spécifique. Ils éliminent le besoin pour les humains de transporter des chargements lourds ou d’utiliser des équipements lourds, tels que des chariots élévateurs. On peut même multiplier les cobots afin d’éliminer le besoin de chargement lourd.
  • Le Contrôle Qualité : les caméras et capteurs des cobots peuvent détecter les défauts d’une pièce ou d’un produit, ou les erreurs de pièce ou de tri dans la chaîne de montage.
  • La supervision : le cobot informe parfaitement et en temps réel de l’ensemble des tâches faites et des résultats obtenus, et ils sont plus présents dans différents points du processus, d’où un pilotage plus précis et en temps réel de la production.

Les 5 tendances pour 2022

En conclusion, l’International Federation of Robotics (IFR) a mis en avant cinq tendances qui façonnent aujourd’hui la robotique et l’automatisation dans le monde entier.

1. L’accès aux cobots par de nouvelles industries

Le déploiement de l’e-commerce, boosté par la pandémie, a modifié le comportement des consommateurs et poussé les entreprises à répondre à la demande de personnalisation des produits et de la livraison.

Les industries clientes relativement nouvelles de la robotique comme la livraison, la logistique, la construction, l’agriculture vont bénéficier des nouvelles technologies en termes d’IA ou de cobot. Afin de remédier aux pénuries de main-d’œuvre, certaines entreprises, telles que la vente au détail et les restaurants, qui jusqu’ici n’envisageaient pas l’automatisation, vont être poussées à investir dans l’automatisation pour répondre aux besoins des clients.

2. Un usage plus simple des cobots

La tendance est aux interfaces utilisateur qui permettent une programmation simple basée sur des icônes et le guidage manuel des robots. Les entreprises de cobots proposent des packages matériels avec des logiciels pour faciliter la mise en œuvre. Ces offres, qui se concentrent sur des écosystèmes complets, ajoutent une valeur considérable en réduisant l’effort et le temps de mise en œuvre.

De même l’installation sera toujours plus facilitée, avec des applications spécifiques préconfigurées dans certains cas. Les fournisseurs proposent des programmes standards combinés avec des pinces, des capteurs et des contrôleurs. Les éditeurs fournissent des diverses applications configurables et prennent en charge le déploiement de robots à moindre coût.

3. Perfectionnement des robots et des humains

De plus en plus de gouvernements, d’associations industrielles et d’entreprises insistent sur le besoin d’une formation de base sur les robots et l’automatisation à un stade précoce pour la prochaine génération. En plus de la formation des travailleurs en interne, des parcours de formation externes seront déployés, alliant l’apprentissage des chaines de production à celui des cobots et des données.

La cobotique va changer les profils d’emploi des ouvriers d’usine pour le mieux. Les nouvelles générations recherchent un emploi ayant du sens dans un environnement moderne où ils peuvent construire une carrière. Les nouvelles opportunités de formation avec la robotique représentent une opportunité pour les entreprises et les employés : les tâches ennuyeuses, salissantes et dangereuses sont automatisées tandis que les employés acquièrent des compétences clés pour l’industrie 4.0 et améliorent leurs perspectives de carrière.

4. Sécuriser la production

Les tensions commerciales, le COVID-19, la dépendance logistique et économique et les impacts environnementaux poussent au rapprochement entre lieu de fabrication et client. De nombreuses entreprises envisagent la relocalisation ou le nearshoring en s’appuyant sur l’automatisation pour compenser les effets de coûts de main d’œuvre et augmenter la qualité.

5. Les cobots contribuent à l’automatisation numérique

L’Entreprise 4.0 s’appuie sur les données recueillies à partir de processus intelligemment automatisés. Leur analyse conduit à des décisions plus éclairées. Grâce aux capacités combinées d’un cobot à partager des tâches, apprendre, et communiquer des données de reporting sur son activité, les entreprises peuvent aisément superviser, modifier et optimiser leur automatisation intelligente et en étendre le périmètre de manière optimale.

Les défis des cobots en 2022

Si toutes ces perspectives semblent très encourageantes, les cobots n’en devront pas moins relever quelques challenges en 2022 :

  • Arriver à être compétitif par rapport aux robots traditionnels sur les tâches à grande vitesse et à charge utile élevée. La vitesse moyenne d’un cobot est environ quatre fois moindre que celle d’un robot industriel. Pour des raisons de sécurité, les cobots doivent généralement faire des compromis sur la vitesse, ce qui affecte le rythme de travail.
  • Bénéficier d’un poste de travail aussi cohérent et convivial que possible, afin d’effectuer en continu la série répétée de tâches. Les cobots sont assez « intelligents » pour gérer tout écart potentiel à un poste de travail parfait, mais la prise en compte d’un écart affecte le rythme de travail. L’humain doit donc faire sa part pour réduire ces écarts.
  • Minimiser et optimiser la dépendance : bien qu’un cobot soit capable de travailler 24 heures sur 24, une assistance et une supervision humaines sont nécessaires, en particulier la nuit. Il convient d’optimiser les conditions de cette supervision pour le collègue humain.
  • Optimiser la charge utile : de nombreux cobots ont une capacité de charge utile et une portée limitées. Ils peuvent porter souvent jusqu’à dix kilogrammes quand les robots industriels peuvent transporter jusqu’à deux tonnes de charge.
  • La facilité d’obtention des nombreux agréments de sécurité obligatoires : dans certaines circonstances, l’ajout de nouvelles tâches à la charge de travail d’un cobot ou la relocalisation d’un cobot nécessite des autorisations supplémentaires.
  • La sécurisation des réseaux quand les cobots y sont branchés.