Le « CRM » (Customer Relation Management) est un terme générique qui, comme « Internet », désigne à la fois le sujet générique de la Gestion de la Relation Client, la stratégie qu’une entreprise adopte en la matière ou le ou les outils informatiques qui supportent cette stratégie et/ou les données associées.

Pourquoi le sujet revient-il à la mode en 2022 ?

Si la « relation client » est sans doute aussi vielle que le troc, et si les livres de comptes traçant les commandes étaient déjà connus des égyptiens, on parle réellement de CRM uniquement depuis la fin des années 80, lorsque les outils sont passés de la simple base de données d’achats ou de contacts à une ébauche de gestion du process de vente.

Depuis, le sujet étant au cœur des échanges économiques modernes basés sur un marché libre mondialiste concurrentiel, on a décliné le concept au fil des différentes innovations technologiques connexes :

  • CRM mobile,
  • CRM collaboratif (avec des variantes au fil des générations : en réseau, centralisé, Saas, Cloud…),
  • intégration avec l’ERP ou le catalogue produit (pour l’intégrer au reste de l’architecture de l’entreprise),
  • intégration avec les outils bureautiques afin d’en faciliter l’accès par tous les collaborateurs, etc.

Ces derniers temps en particulier, la double évolution :

  • des usages d’une part (achats en ligne, réseaux sociaux, connexion permanente, achats en mobilité…)
  • et des capacités de stockage et d’analyse des données d’autre part (profiling, Big Data, IA…)

a naturellement poussé le CRM à accompagner le mouvement en intégrant l’évolution des habitudes d’achats : multicanal, social selling, influenceurs, et tout le « Google Marketing »…

Après le ralentissement économique dû à la pandémie et face à la reprise inflationniste, nombre d’entreprises ont en 2022 plus que jamais besoin de « retrouver des clients ». Ceci d’autant plus que l’accélération des achats en ligne, la mondialisation du commerce, les GAFAM, la facilité de mise en concurrence (comparateurs…) sur le Net, et enfin la pandémie ont éloigné les clients des « boutiques ». D’où une crainte dans les équipes commerciales de « perte de contact » et l’accent mis sur tout ce qui est fidélisation, churn, etc.

Mais simplement penser que la « prochaine génération CRM » sera forcément la clé du succès ou que « sans CRM c’est perdu » serait sans doute oublier qu’un simple outil hi-tech ne peut rien s’il n’est attaché à une stratégie orientée client.

En 2022 on constate un décalage. Le discours à la mode de ces dernières décennies consistait à « mettre le client au centre » ou « mettre avant tout l’expérience utilisateur en avant ». Mais aujourd’hui l’essentiel des évolutions en matière de CRM consiste à améliorer la vie interne de l’entreprise (profits, données et profilage clients, workflow, upselling…) bien avant celle de son client ; et cela que l’on parle de stratégie ou d’outil.

Que l’entreprise pense avant tout à elle n’est pas surprenant, mais à trop oublier le « C » dans CRM, ne risque-t-on pas de passer à côté de ce qui en était le but initial ?

L’effet « data analysis »

Il est loin le temps où les outils CRM n’étaient qu’une simple base de données regroupant contacts clients, commandes et rendez-vous passés et à venir, interventions SAV et autre données purement liées à un prospect ou une vente.

Le Big Data, à savoir la capacité à capter, stocker, analyser, synthétiser et interpréter sans limite les données sur les clients, le marché, la concurrence, les produits et l’air du temps… a révolutionné la stratégie marketing/vente. Surtout si on y associe des méthodes et outils d’intelligence artificielle capables d’interpréter des signaux faibles (par exemple sur des tendances émergentes) ou à faire des prédictions (de vente, de renouvellement de parc, d’obsolescence…).

Ainsi, l’essentiel de la littérature des experts du CRM, à commencer bien entendu par les vendeurs de « solutions CRM », met en avant comment l’analyse de toutes ces données permet une augmentation des ventes. Avec des variantes comme l’acquisition de nouveaux clients, la fidélisation des anciens, les ventes liées (pour autant qu’elles soient légales), etc.

Quelques soient les mérites comparés des différents fournisseurs et outils, ce côté alléchant du « tout connaitre de son client » (qui semble permettre de ne rater aucune opportunité) crée cependant un malentendu : on en oublie que bien gérer son client, ce n’est pas simplement bien le connaitre.

L’effet « reporting » ou « marketing »

Cette abondance de données porte en elle un second écueil : à l’heure de la quasi-religion du résultat de fin de mois et de la data visualisation, il est de plus en plus tentant de développer les outils CRM pour en faire soit des outils de suivi du « pipe » et des résultats des ventes, soit des outils de qualification et/ou d’analyse préalable marketing du terrain pour focaliser l’effort commercial sur les opportunités les plus probables et/ou rentables.

Dans un cas comme dans l’autre on s’éloigne toujours un peu plus de la « relation » client.

L’effet « automatisation »

L’un des attraits essentiels d’une stratégie CRM bien pensée – et bien traduite dans les outils – est l’automatisation des tâches chronophages et à faible valeur ajoutée des équipes commerciales.

Optimiser la logistique des rendez-vous clients, la saisie des données clients, les réunions de coordination et plannings d’équipes internes, la production des documents (à commencer par les offres commerciales, commandes et contrats), la coordination et le traitement multicanal des contacts clients (appels, courriers, mails, visites, incidents…), l’accès à distance aux données (VRP, télétravail…) est d’un tel apport pour l’entreprise que ces sujets peuvent vampiriser toute discussion ou évolution du CRM.

C’est séduisant, mais le temps gagné par le commercial ne se traduit pas forcément en une meilleure relation client. Car l’usage généralisé des outils CRM s’avère aujourd’hui plus un incitatif à la prospection de nouveaux clients (ou de nouvelles opportunités de ventes chez un client existant) plutôt qu’à l’amélioration des relations existantes avec les clients.

L’automatisation doit donc s’accompagner d’une sensibilisation à la relation client rappelant que dans une activité essentiellement relationnelle, l’outil ne saurait tout faire.

L’effet « RGPD »

Il est inutile de rappeler qu’une relation commerciale est avant tout une relation de confiance, d’écoute, de connivence, voire plus. « Tu seras un bon vendeur si tu connais par cœur les dates d’anniversaires des enfants de la secrétaire de ton client ». Il y a quelques décennies, il y avait même une case pour cela dans le petit carnet du VRP.

Mais voici les limites du Big Data : dès lors que l’on informatise, le stockage d’un ensemble de données personnelles – intrinsèques d’une relation de connivence – est désormais illégal. Demandez-vous combien de jeunes commerciaux ont encore un carnet en papier. Tout est sur leur smartphone ou laptop, souvent lié à l’entreprise. Et au sens de la RGPD, le Délégué à la Protection des Données Personnelles risque d’avoir un peu de mal à expliquer pourquoi la connaissance des dates d’anniversaires est légitime et nécessaire pour un traitement lié au process de vente.

En gros, comment bien connaitre son client si on n’en a plus le droit ?

L’effet « one click »

À tout digitaliser, et pour avoir greffé un smartphone au bras de tous les jeunes consommateurs, on a de fait modifié les fameux « usages ». Nous achetons désormais en trois clics. On renvoie le produit et on poste une réclamation en deux clics de plus ou via un assistant automatique en ligne. On s’informe sur quoi acheter et à qui en lisant 5 commentaires sur les réseaux sociaux. Bref, on ne parle plus à son commercial, ni même au service après-vente.

Au mieux on communique par mail ou chat avec son commercial. Mais surtout pas oralement : nombre de jeunes consommateurs ont maintenant peur de juste passer un appel téléphonique… faute d’avoir eu à le faire dans leur enfance. Si l’on se rappelle que 90% de la communication ne passe pas dans le « ce que l’on dit » mais dans le « comment on le dit/comment on est pendant l’échange », on évalue la perte de relation client.

Image de cette déshumanisation de la relation : alors que les circuits courts reviennent à la mode, on imagine plus y faire appel en ligne plutôt que de retourner faire ses courses dans la rue.

Là aussi, il convient de se rappeler que les entreprises ont été les premières à pousser à cette perte de relation pour des raisons de réduction des coûts. L’un des exemples les plus concrets est le « self-care ». Si on laisse l’acheteur tout faire tout seul, ça coûte moins cher : c’est lui qui saisit ses coordonnées, sa recherche, sa commande, son paiement, etc. Moins de travail côté entreprise, moins d’erreurs (et s’il y a erreur, moins de soucis car la « faute » est côté client), etc. Autre exemple : les télémarketeurs ou centres de SAV off-shore qui déroulent au téléphone des discours tous faits sans écouter leur interlocuteur (si cela ne vous arrive jamais, dites-moi comment vous faites).

Finalement, comment connaître son client si on fait tout pour ne pas le connaitre ?

Commencer par mieux traiter le client, avant de le faire en interne

Finalement, si l’on tente une synthèse des tendances 2022 annoncées pour le CRM, on trouvera une liste qui ressemble à :

  • Toujours plus de data, d’IA, de profiling et d’analyse prédictive pour mieux profiler et décider rapidement (intégration des Google Analytics-like…)
  • Automatisation des process de qualification, vente et après-vente multicanaux
  • En particulier intégration des nouveaux canaux type social selling, metavers et autres
  • Capacité d’accès toujours plus étendue aux données et fonctionnalités par le commercial en mobilité ou son collègue en télétravail, app mobiles, passage en Cloud…
  • Intégration encore plus avancée avec la chaine de production pour piloter la vitesse de production et la taille des stocks
  • Déclinaison pour les plus petites entreprises (PME, TPE, indépendants…)
  • Intégration des CRM dans la chaine logistique (sous-traitance, marketplaces…)
  • Accès simplifié à l’ensemble de l’historique des interactions clients

Les experts du CRM mettront en avant que sur ce dernier point, le client peut percevoir une amélioration de la qualité de relation.

À condition que l’on n’oublie pas de poser la stratégie et les attendus CRM avant de discuter outil. Et que cette stratégie commence par ce dernier point 😊.