L’été est la saison des spectacles. Entre les ballets nocturnes de drones remplaçant les feux d’artifices pour éviter les incendies, les concerts d’ABBA en hologramme ou les flyboards sur la plage (trois trucs à ne pas rater), il semble que les nouvelles technologies nous pourchassent même dans nos vacances.

Pour nous changer les idées, Dorian, alternant au service Marcom d’Astek, nous propose bien un petit tour au musée. Vous n’êtes pas un passionné de l’art moderne produit sur ordinateur ? Qu’allez-vous penser si l’artiste lui-même est virtuel ?

Dall-E, où comment mon PC est devenu meilleur que moi à Pictionary

Le laboratoire de recherche sur l’intelligence artificielle « Open AI » a récemment ouvert au public l’accès à la version Beta de son logiciel Dall-E 2.

Successeur de Dall-E, c’est une intelligence artificielle capable de créer des images à partir d’une description faite dans un langage naturel.

 

Dall-E est ainsi capable de créer des images de types photos réalistes, illustrations, dessins, croquis, peintures ou autres styles artistiques.

Image créée en « photographie réaliste » à partir de la phrase « Un astronaute montant à cheval ».
Image créée comme « dessin au crayon » à partir de la même phrase.

Comment Dall-E fonctionne-t-elle ?

Le logiciel Dall-E étant à ce jour seulement en phase de Beta test, la technologie exacte employée n’a pas encore été révélée. Mais on sait que l’Intelligence Artificielle de Dall-E 2 a été entraînée avec environ 650 millions d’images et descriptions textuelles précises associées. À partir de cette base de données importante, l’IA a appris à reconnaitre les corrélations entre les images et les textes utilisés pour les décrire.

En s’appuyant sur cette connaissance, Dall-E est capable de créer des images à partir d’un texte, en positionnant d’abord des nuages et motifs de points, puis en les modifiants par itération jusqu’à créer une image.

Ce qui est intéressant dans une démarche artistique utilisant Dall-E 2, c’est qu’une fois l’image initiale créée, l’artiste peut aisément en modifier certains éléments, soit directement à la main, soit via des logiciels d’insertion ou de retouche classique, ou même en affinant le texte initial soumis à Dall-E.

On peut par exemple rajouter un corgi dans cette œuvre.

Ou rajouter un corgi sur le fauteuil.

Dall-E offre aussi la possibilité de créer des variantes à partir d’une image donnée.

 

Exemple avec le Baiser de Klimt.

On peut ainsi imaginer des expériences artistiques autour d’une œuvre. Comme demander à plusieurs personnes de faire chacun une description de ce qu’ils « voient » dans une œuvre classique, puis demander à Dall-E de refaire l’œuvre à partir de ces descriptions. Les différences de restitution mettant alors en relief les différences de perceptions artistiques.

La question naturelle est « est-ce de l’Art » ? Chacun peut se faire une idée ou reprendre ses cours de philosophie de terminale, mais avant de répondre trop vite par la négative, rappelons qu’Andy Warhol, l’un des artistes les plus côtés du XXème siècle, est devenu célèbre en déclinant un portrait de Marylin Monroe quasi exactement comme le fait aujourd’hui Dall-E.

À court terme, du fait du volume important d’œuvres existantes fournies en entrée, Dall-E excelle à créer des photographies (ou autres œuvres) à partir des collections de clichés génériques disponibles sur le Web destinés aux communications d’entreprises (panoramas, véhicules, vues d’avions, intérieurs de bureaux, écrans…). Avec semble-t-il un petit faible pour les natures mortes présentant de la nourriture. Comme quoi, à sa façon, Dall-E est par essence un artiste en symbiose avec son temps.

Cependant, malgré ces capacités impressionnantes, Dall-E 2 semble avoir comme tout artiste les lacunes de sa jeunesse, comme une grande difficulté à incorporer un texte lisible à une image de fond ou à créer une image comportant des visages différents.

Faut-il limiter la liberté artistique ?

Mettre au point Dall-E ne pose pas que des problèmes techniques à ses créateurs. Comme pour toute production artistique, il convient sans doute de positionner un niveau de censure : jusqu’où l’artiste a-t-il le droit de choquer son public ? comment respecter le droit à l’image ? comment éviter le plagiat ? etc.

Il faut donc modifier l’apprentissage de l’IA pour qu’idéalement elle s’auto-censure d’elle-même au niveau souhaité.

On s’est ainsi abstenu de mettre dans la base de données d’apprentissage de Dall-E 2 des images inappropriées (violentes, choquantes, à caractère sexuel, etc.) pour éviter la création d’images de même type (en particulier ultra réalistes).

On a de même évité d’inclure nombre de représentations de personnes réelles, afin d’éviter que Dall-E ne crée des « deepfakes » en produisant des images ultras réalistes de situations fictives.

Faut-il par ailleurs s’inquiéter du fait que, comme tout artiste, Dall-E ait ses sujets de préférence, issus des images qui lui ont été le plus présentées. Son mode d’entraînement l’incite ainsi à représenter majoritairement des hommes blancs et des pratiques occidentales.

Toutes ces questions sont désormais bien connues des experts de l’intelligence artificielle et des équipes d’Open AI en particulier.

Visualiser ses idées

Par ailleurs, il convient de s’interroger sur l’impact de cette nouvelle technologie sur le marché de l’art si, une fois finalisé, un tel outil était mis à disposition des artistes ou entreprises à des fins commerciales.

Les directeurs artistiques pourraient gagner beaucoup de temps avec une telle application pouvant développer plusieurs propositions ou maquettes à partir de petites variations textuelles autour d’une idée de départ. Imaginez une session de brainstorming d’une agence de publicité où Dall-E dessinerait en temps réel les idées évoquées par les différents intervenants autour de la table.

Enfin se posera aussi la question de la propriété intellectuelle d’une œuvre réalisée par une IA. Question loin d’être anodine en ces temps de réflexion autour des NFT.

Les IA comme Dall-E et ses futurs enfants ou concurrentes pourraient donc être bien plus que de simples gadgets destinés à modifier vos selfies sur votre réseau social favori. Que l’on y voit une révolution artistique, un changement de paradigme dans l’industrie artistique ou juste une « app » de plus sur son smartphone, qu’elles rendent rêveur ou prudent, ces nouvelles technologies ouvrent le champ des possibles et laissent rarement indifférent.

Toutes les images présentées dans cette article sont reprises du site officiel d’Open AI que nous vous recommandons :