La pénurie de composants et le ralentissement de la course à la miniaturisation des processeurs ne doivent pas masquer que la recherche en nanotechnologie n’a jamais été aussi florissante.

C’est l’occasion de rappeler que la nanoélectronique n’est qu’une facette des nanotechnologies et que les travaux sur les semiconducteurs ou sur la supraconductivité ne sont pas limités à la production de puces électroniques pour smartphones.

Allumons le microscope à effet tunnel et plongeons à l’échelle atomique pour présenter deux exemples parmi d’autres de recherches récentes qui pourraient bien avoir un réel impact sur notre vie quotidienne.

Des panneaux solaires fabriqués à partir d’algues

Si vous avez récemment réfléchi à mettre des panneaux solaires sur votre maison, vous avez sans doute entendu parler de la pérovskite. Ce composé de calcium, titane et oxygène est connu depuis près de deux siècles mais la famille des pérovskites n’a réellement intéressé l’industrie que depuis une vingtaine d’années, quand on a découvert qu’il était potentiellement possible d’obtenir des propriétés photovoltaïques au moins égales à celles du silicium utilisé dans les panneaux solaires classiques.

Mais si la pérovskite semble très séduisante, car largement présente dans le manteau terrestre, elle pose de sérieux challenges en termes de stabilité ou de résistance à l’eau, la chaleur ou les UV. Depuis une dizaine d’années, de nombreux travaux de recherche visent donc à pallier ces difficultés en agissant à l’échelle du nanomètre, par exemple en optimisant l’ajout de polymères ou de dopants spécifiques.

Plus surprenant, des scientifiques de l’Université de Dresde ont récemment annoncé avoir réussi à transformer la coquille minérale d’une algue unicellulaire en un minéral fonctionnel de la famille des pérovskites. Ce qui rend l’expérience séduisante, c’est que la nano-architecture particulière de la pérovskite issue de cette transformation ne peut pas aujourd’hui être obtenue par des méthodes de nanotechnologie conventionnelles. On ne sait pas en particulier reproduire la structure cristalline sphérique de la coquille minérale de l’algue.

Or, si on ne sait pas la créer directement, on sait modifier celle-ci par nanotechnologie, dans une certaine mesure. On peut donc potentiellement améliorer significativement sa performance photovoltaïque.

On le sait, des découvertes importantes ont souvent été le fruit de travaux de biomimétisme et si la vie a pu se développer sur terre, c’est en particulier dû à l’impressionnante capacité des organismes unicellulaires à s’adapter, muter et tirer parti des sources d’énergie externes.

Il n’est donc pas totalement farfelu d’imaginer que des algues puissent nous servir de base pour créer nos futurs panneaux solaires, ce qui pourrait participer à notre transition écologique vers des solutions plus durables.

Nanotube

De la céramique nano-façonnée

Autre exemple de nanotechnologie appliquée à la réduction de notre consommation énergétique et à la lutte contre le réchauffement climatique : augmenter la conductivité électrique de céramiques thermoélectriques.

Dans toute centrale ou moteur thermique, où l’on produit de l’énergie à partir de chaleur, il y a toujours une perte importante d’énergie qui rayonne dans la nature. Pire, on est souvent amené à refroidir la centrale en réchauffant les cours d’eau ou l’air, d’où non seulement une surconsommation, mais aussi un impact écologique ou climatique.

Or, on sait que certaines céramiques oxydées sont capables à la fois de résister à de très fortes chaleurs et à la corrosion, mais aussi de transformer une partie de cette chaleur en courant électrique. En les utilisant comme matériaux principaux autour des foyers des centrales, on peut donc non seulement refroidir le système, mais convertir cette chaleur en courant additionnel.

Le challenge, c’est que ces céramiques sont des structures polycristallines peu conductrices, les électrons étant bloqués par les interactions entre cristaux, et ceci d’autant plus que la structure globale est importante. Donc, si leur conductivité est efficace pour quelques atomes, leur capacité à évacuer la chaleur sous forme de courant à l’échelle d’une centrale est très limitée.

C’est sur ce point que des chercheurs en nanotechnologie de l’Université de West Virginia ont récemment réussi à intervenir dans la structure même des céramiques en y ajoutant des dopants permettant de créer des passages pour les électrons entre les cristaux. Ce qui ouvre la possibilité de récupérer et d’évacuer le courant de manière nettement plus intense.

Le cercle vertueux, c’est qu’une fois la production de ces céramiques industrialisée, il sera très tentant de les utiliser non seulement dans d’autres industries, mais aussi à une échelle plus personnelle. Il est bien entendu tentant d’utiliser ces céramiques pour récupérer la chaleur des gros réchauffeurs industriels (fonderies, industries chimiques, hébergeurs informatiques…), mais aussi celle du moteur de votre voiture, de votre four en cuisine ou de vos ballons et canalisations d’eau chaude.

Au vu de l’impact que peuvent avoir les nanotechnologies sur les grands challenges de notre temps, on peut être confiant que la recherche et les développements devraient bénéficier des budgets nécessaires à des déploiements rapides à l’échelle industrielle.