À partir du 1er juillet, les entreprises établies en France devront accepter les factures électroniques et l’émission de telles factures sera obligatoire pour les grandes entreprises. Cette obligation sera ensuite étendue en 2025 aux entreprises de taille intermédiaire et en 2026 aux PME et microentreprises.
On ne parle pas ici de la dématérialisation du ticket de caisse, propre aux activités B2C de vente aux consommateurs, mais bien de la gestion de la facturation entre entreprises. Cet autre volet de la transformation numérique est un enjeu à la fois économique, environnemental, politique et international.
Les étapes de la transformation numérique de la facturation B2B
L’âge d’or du scanning
Les entreprises facturées avaient alors besoin, pour déclencher les paiements, tracer les achats, mettre à jour les inventaires et stocks, et reporter les dépenses dans les systèmes comptables de ressaisir à la main les données reçues dans la facture.
Une première étape d’automatisation « numérique » a consisté à éviter que ressaisies soient manuelles. C’est l’âge d’or des « grands » du scanning, qu’ils soient fournisseurs de scanners ultra-rapides ou de logiciels de reconnaissance de texte.
Du papier au PDF
Cette étape a été réalisée à l’initiative des entreprises et visait en particulier à réaliser des économies substantielles :
- Pour le fournisseur émetteur de la facture, au niveau des impressions (papier, encre, maintenance et remplacement des imprimantes…).
- Pour le donneur d’ordre (public ou privé), destinataire de la facture, au niveau de la ressaisie des informations dans le système de comptabilité interne, que cette ressaies soit humaine (souvent sous-traitée) ou via des scanners.
Les principaux acteurs technologiques se sont alors focalisés sur la capacité à authentifier un PDF (signature électronique…) et à développer des logiciels capables de récupérer dans celui-ci les données pertinentes et à les réinjecter dans l’ERP de l’entreprise.
Du PDF au flux XML
Avec la généralisation des serveurs en ligne, la normalisation des Web services permettant de simplifier les flux entre bases de données d’acteurs différents, le développement du Cloud et autres avancées, le passage de l’information de facturation s’est de plus en plus automatisé au niveau des grandes entreprises les plus dépendantes de leur chaine logistique.
Mais les coûts de mise à niveau ou de maintenance associés, ainsi que le besoin de compétences techniques pour mettre en œuvre toute nouvelle relation avec un nouveau partenaire n’ayant pas fait les mêmes choix technologiques, cette évolution serait restée assez limitée si elle n’avait été poussée que par une logique d’économie budgétaire des entreprises.
C’est ici qu’intervient la facturation électronique.
La facturation électronique
Contrairement aux évolutions précédentes, celle-ci est à l’initiative des gouvernements et ne se limite pas à des considérations financières. En imposant à terme la facturation électronique à tous les échanges B2B, nationaux et internationaux, et avec l’ambition de le faire à l’échelle mondiale, les gouvernements répondent à leurs propres enjeux en matière :
- de lutte contre la fraude à la TVA.
- d’anticipation des montants de TVA qui seront collectés à terme.
- d’observation de l’ensemble du cycle de vie des factures, et en particulier des délais de paiement.
- d’observation potentielle d’autres données connexes.
Techniquement, les gouvernements imposent aux fournisseurs d’envoyer leurs factures, à chaque étape de leur évolution (de la facturation initiale au recouvrement), sous forme de flux de données normalisés, contenant un ensemble de métadonnées imposées.
De leur côté, les destinataires doivent assurer la réception de ces flux dans des logiciels de facturation répondant eux-mêmes à un certain nombre de critères. Ceci en particulier afin de fournir aux gouvernements une copie complète, valide et normalisées des factures échangées.
Le logiciel de facturation obligatoire en France
Toutes les entreprises françaises devront ainsi posséder fin 2025 un logiciel de facturation assurant une cohérence dans le contenu, la nomenclature, l’organisation et l’archivage des données des factures émises ou reçues.
Ce logiciel garantira ainsi une vision complète des échanges « payants », y compris à l’international.
Par exemple, le logiciel assurera de donner un numéro d’ordre unique et consécutif à chaque facture, évitant ainsi les factures en doublons, les pertes de factures, l’oubli de factures en suspens, etc.
Côté technologie, puisqu’il convient de fait de bâtir un « ledger » authentique de facturation pour chaque entreprise, on conçoit que des solutions récentes (de type blockchain ou autres) auront là aussi leur rôle à jouer et leurs bénéfices variés à apporter.
Un enjeu international
- par un fournisseur local (au sens national) vers un donneur d’ordre local.
- par un fournisseur local vers un donneur d’ordre à l’étranger.
- fournisseur à l’étranger vers un donneur d’ordre local.
Les logiciels obligatoires assureront que chaque gouvernement reçoive :
- en temps réel copie des factures émises et reçues à l’international.
- mensuellement un e-reporting consolidé de ces factures.
- un traitement cohérent et limpide des effets de différences de législations locales, de taux de TVA, de dates de prise en compte des cours entre devises, etc.
A noter qu’à l’international, il existe réellement trois types de factures :
- La facture « proforma » provisoire et sans valeur légale : c’est une sorte de devis de préparation d’un achat international nécessaire souvent pour obtenir les autorisations d’importation ou d’achats préalables de devises de paiement.
- La facture commerciale, qui se substitue à la précédente une fois les préparations nécessaires réalisées : c’est le document légal contractant conforme aux législations des pays concernés (et qui gouverne en particulier la TVA) que doivent couvrir a minima les logiciels de facturation obligatoires.
- La facture douanière ou consulaire, nécessaire dans certains pays.
En Europe, c’est en cours : fin 2022, la Commission européenne a proposé un projet de directive de généralisation de l’obligation à toute l’Union. Certains pays, comme la Pologne ou l’Italie l’ont déjà mis en place sous des formes variées.
L’Amérique du Nord est, pour des raisons plus politiques, plus en retard.
Gérer la TVA mais aussi disposer d’un observatoire
Si l’on regarde vers l’étape suivante, il convient de retenir que la facturation électronique – en particulier à l’international – n’est pas qu’une histoire de TVA.
Les gouvernements souhaitent disposer à terme d’un réel observatoire des processus de facturation.
L’exemple déjà annoncé du suivi des délais de paiements est significatif : écart entre les pays, niveau de respect de la législation locale en la matière, différences entre achats de biens ou de services, entre achats de matières premières ou de produits transformés, etc.
Avec comme impact la possibilité par les États de suivre, valoriser et corriger leurs propres délais de paiement dans le cadre des achats du secteur public.
Mais la mise en place de logiciels de facturation cohérents et synchronisés à l’échelle de la planète pourrait permettre aux États d’étendre cet observatoire à d’autres concepts, afin potentiellement de piloter certaines évolutions politiques, législatives ou de règles commerciales internationales :
- Suivi de balance commerciale.
- Traçabilité des produits.
- Délais douaniers.
- Détection de blanchiment d’argent ou de transaction douteuse.
- Etc.
Vers une facturation « intelligente » ?
Ceci d’autant plus qu’au vu des volumes de factures nationales ou internationales présentes (et validées comme conformes) dans les systèmes d’information des entreprises, souvent avec des formats très similaires, l’apprentissage des IA est plus que simplifié.